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- Et si on vous enlevait votre féminité ?
On estime qu'en Europe, 600.000 femmes ont été victimes de mutilations génitales féminines (MGF) et que 180.000 filles dans 13 pays européens courent le même risque. En Belgique, ces femmes peuvent se rendre dans deux centres de référence, où elles peuvent être aidées grâce à une approche multidisciplinaire. La gynécologue Nele Coryn, de la Clinique des femmes de Gand, l’un des centres de référence, explique ce qu'est une mutilation génitale féminine.
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Les mutilations génitales féminines (MGF), qu’est-ce que c’est ?
La mutilation génitale féminine est un rituel qui est encore pratiqué dans une trentaine de pays d'Afrique, du Moyen-Orient et dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine. Les raisons de cette pratique peuvent être diverses. Dans certains pays ou régions, il s'agit de chasteté, pour réprimer les désirs sexuels avant le mariage. D'autres pensent que les MGF augmenteraient la fertilité. Et pour d'autres encore, il s'agit d'une tradition ou d'une appartenance sociale, où la circoncision vaginale est normale.
Sans anesthésie et dans des conditions non hygiéniques, un circonciseur traditionnel retire (divers) organes génitaux à l'aide d'un objet tranchant. En fonction de ce qui est retiré lors de la circoncision, les MGF se présentent sous 4 formes :
- Type 1 : ablation totale ou partielle du clitoris.
- Type 2 : en plus du clitoris, les grandes et petites lèvres sont enlevées.
- Type 3 : ablation du clitoris et des lèvres et rétrécissement de l’orifice vaginal.
- Type 4 : autres formes de mutilations génitales telles que percement, cautérisation ou, dans certaines cultures, percement avec des épines.
Les conséquences des MGF peuvent se manifester à court et à long terme. Par exemple, les femmes peuvent ressentir de fortes douleurs et des saignements excessifs, avoir des règles douloureuses, des infections urinaires à répétition... Et il faut parfois des années pour que ces femmes trouvent de l'aide.
Quel est le rôle du gynécologue ?
Les mutilations vaginales se produisent généralement dans l'enfance. Les femmes ne se souviennent pas complètement de ce qu’il s'est passé et ne savent pas à quoi ressemble ou devrait ressembler leur vagin. Au fil des années, les symptômes peuvent s'aggraver, ce qui fait qu’elles ont besoin d'aide. "Douleurs abdominales, infections urinaires à répétition ou règles très douloureuses. Lorsqu'elles se rendent chez le généraliste avec ces symptômes, il est important que celui-ci fasse le bon lien. La patiente vient-elle d'un pays où les MGF sont répandues ou non ? Si c'est le cas, un examen doit être effectué. En cas de doutes ou lorsque les soupçons s’avèrent exacts, c’est au médecin généraliste d'orienter la patiente vers un centre de référence", explique le docteur Coryn. "C’est alors que débute leur trajet".
En Belgique, il existe deux centres de référence pour les femmes qui ont été victimes de MGF. Le CeMAViE à Bruxelles et la Clinique des femmes à Gand. A l’aide d’une approche multidisciplinaire, les femmes peuvent être aidées tant sur le plan physique que mental.
Lors d'une première consultation chez le gynécologue, en cas de MGF, le vagin est examiné avec une sage-femme. "Certaines femmes n'ont jamais vu ou senti leur vulve. Pendant la consultation, nous demandons si nous pouvons travailler avec un miroir pour leur montrer à quoi ressemble leur vulve. Certaines femmes sont choquées par les dégâts limités et pensaient être plus mal en point, tandis que d'autres refusent. C'est quelque chose que nous devons respecter."
En fonction de ce qui a été retiré, un trajet est établi pour la patiente. En effet, tous les types de MGF ne nécessitent pas une intervention chirurgicale. Pour les types 1 et 2 où le clitoris et/ou les lèvres ont été excisés, rien ne peut être réparé. Ce qui n'est plus là, a disparu. Une réparation du clitoris est possible, mais elle est très rarement réalisée car il est difficile d’atteindre les résultats escomptés. Il est alors important d'aider ces patientes sur le plan psychologique.
"En plus de ce qu'une personne a vécu physiquement, les mutilations génitales ont aussi un impact sur le plan mental. C'est votre féminité qui vous a été enlevée et ce n'est pas quelque chose qui peut être réparé par la chirurgie. Et puis il faut plutôt envisager un suivi psychologique avec un psychologue et un sexologue. On accompagne les femmes pour qu'elles se sentent à nouveau femmes, qu'elles s'acceptent et qu'elles s'aiment."
Une chirurgie ne sera vraiment nécessaire que dans un type 3, lorsque l’orifice vaginal a été réduit. Dans ce cas, non seulement les contacts sexuels posent problème, mais uriner peut également être problématique car l'urètre n'est plus exposé, ce qui provoque des infections à répétition. C'est dans ce cas que la désinfibulation est pratiquée. Il s'agit d'une procédure visant à ré-élargir l’orifice vaginal qui a été rétréci lors de l’infibulation. Ces patientes bénéficient également d'un suivi psychologique avant et après l’opération.
GAMS, un groupe de soutien pour les victimes
Dans notre pays, il existe une asbl agissant pour l'abolition des mutilations génitales féminines, le GAMS. L’association constitue un filet de sécurité pour les femmes qui sont ou pourraient être victimes de MGF. Les femmes peuvent y partager leurs expériences, s'entraider dans leur parcours pour faire face à leur mutilation et retrouver leur féminité. Le GAMS joue également un rôle important. Les patientes qui ont accompli un trajet psychologique et/ou chirurgical avec succès choisissent parfois de jouer elles-mêmes le rôle de médiatrices interculturelles, en aidant d'autres femmes dans leur parcours. Elles rassemblent une communauté. Parfois, ce sont aussi elles qui nous adressent des patientes. Elles jouent un rôle très important dans ce domaine.
Abolition des MGF
Dans notre pays, plus de 23.000 femmes et filles sont victimes de mutilations génitales et 12.000 risquent d'être mutilées. Malheureusement, ces chiffres continuent de grimper. En 2001, une loi a été adoptée pour interdire les MGF, rendant punissable toute forme de mutilation génitale. Elles continuent pourtant à être pratiquées. Il est important d'être attentif aux signes indiquant qu'une personne a subi ou va subir une mutilation.
Comment pouvez-vous savoir qu'une personne en a été victime ?
- La fille est malade pendant une longue période ou il est question d’absentéisme à l'école.
- La fille a l'air épuisée, va longtemps aux toilettes ou se plaint souvent de douleurs abdominales.
- La fille est calme, renfermée et ne peut pas se concentrer.
- Elle ne peut pas participer aux cours de sport pendant un certain temps ou ressent des douleurs en marchant.
Comment reconnaître qu'une personne est une victime potentielle de MGF ?
- La fille en parle subtilement.
- La fille a prévu de partir en vacances dans son pays d'origine.
Des rumeurs font état d'une excision