Environnement

Retour sur la conférence "Healthy cities, healthy people"

Le 23 avril 2024, la conférence "Healthy cities, healthy people" organisée à Bruxelles a rassemblé des experts issus de 33 pays pour discuter de la qualité de l'air dans les environnements urbains. L'événement visait à réunir des décideurs politiques provenant de différentes villes européennes, des acteurs de la santé, des scientifiques et des organisations de la société civile. Ils ont présenté des preuves scientifiques récentes, échangé de bonnes pratiques sur les mesures prises par les villes et montré l'engagement des organisations pour améliorer la qualité de l'air à Bruxelles. À la veille des élections européennes de 2024 et de la prochaine législature 2024-2029 de l’UE, cette conférence avait pour but d'identifier les voies menant à une bonne qualité de l'air pour tous, partout dans nos villes.

Image
Conference Luk Bruyneel

Lors de l'ouverture, Xavier Brenez, CEO des Mutualités Libres, a souligné la nécessité de mieux protéger la santé physique et mentale de tout un chacun contre la pollution de l'air, et de maintenir la qualité de l'air parmi les priorités de l'agenda politique en Belgique et en Europe après les élections. Anne Stauffer, directrice adjointe de HEAL, a insisté quant à elle sur l'importance du vote du Parlement européen sur l'accord de trilogue concernant la révision de la Directive en matière de Qualité de l'Air Ambiant (Ambient Air Quality Directive, AAQD). Sa mise en œuvre dans les années à venir sera cruciale, notamment pour mieux protéger les groupes vulnérables de la société. Annya Schneider, de Bloomberg Philanthropies, a indiqué que certaines initiatives telles que les zones à faibles émissions se heurtent à des résistances dans de nombreuses villes, et qu'il est important de continuer à sensibiliser et à informer le grand public en s'appuyant sur des chiffres et des données scientifiques.

Dans son discours d'ouverture, Patrick Child, directeur général adjoint de la DG Environnement de la Commission européenne, a déclaré que la qualité de l'air était une "dimension fondamentale" du Green Deal européen, en lien indispensable avec le changement climatique. L’implémentation de normes pour la qualité de l'air sera essentielle à l’avenir. Alain Maron, ministre du gouvernement de Bruxelles-Capitale, chargé de la transition climatique, de l'environnement, de la santé et de l'action sociale, a appelé à une collaboration entre les citoyens, les ONG, les autorités publiques, les médias et les acteurs privés pour travailler ensemble à la qualité de l'air. Faire une pause dans cette démarche serait absolument irresponsable selon le ministre.   

Différents chercheurs ont ensuite exposé les résultats d'études et de projets récents. Alberto Gonzalez, de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), a présenté les tout derniers chiffres sur la pollution de l'air dans les villes européennes. Pratiquement tous les citadins européens respirent aujourd’hui un air qui ne répond pas aux normes recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a rappelé que l'Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement au monde. Mark Nieuwenhuijsen d'ISGlobal a approfondi les sources de la pollution de l'air dans les villes ainsi que les avantages de l'amélioration de la qualité de l'air. Le secteur du transport constitue par exemple la principale source de dioxyde d'azote (48,5 %) dans les villes, tandis que pour les particules PM2,5, les principaux responsables sont les ménages, en raison de leur consommation d'énergie (22,7 %). Il a également souligné la nécessité d'adopter une approche holistique. ll faut en effet non seulement améliorer la qualité de l'air, mais aussi redoubler d'efforts pour créer des zones vertes dans les villes. Plusieurs exemples inspirants ont été donnés, comme les « superblocks » mis en place à Barcelone. Zorana Jovanovic Andersen de la European Respiratory Society a détaillé les effets de la pollution de l'air et des canicules sur la santé. 20 % des cas de diabète et 26 % des crises cardiaques sont dus à la pollution de l'air. L'augmentation des températures à cause du changement climatique aggrave l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé, comme le montre le projet européen Exhaustion. Davantage de personnes meurent de problèmes respiratoires lorsqu'il fait chaud. Rachel Aldred, de l'université de Westminster, a expliqué comment les quartiers à faible trafic peuvent réduire la circulation automobile et la pollution de l’air. Londres a réalisé d'importants investissements pour promouvoir la mobilité active (marche et vélo) et mettre en place des quartiers à faible trafic. Grâce à ces mesures, les habitants se déplacent davantage à pied et à vélo, ce qui a eu un impact sur le trafic automobile, la possession de voiture et la pollution de l'air. Luk Bruyneel a présenté les premiers résultats d'une nouvelle étude menée par les Mutualités Libres sur l'impact des zones à faibles émissions (LEZ) à Bruxelles, Anvers et Gand. Globalement, on observe une diminution plus rapide du carbone noir (BC), du dioxyde d'azote (NO₂) et des particules fines (PM2,5 et PM10) depuis l'introduction de la LEZ à Anvers (2017) et à Bruxelles (2018), jusqu'en 2022, par rapport à 17 villes belges de contrôle dépourvues de LEZ. Pour Bruxelles, l'étude confirme que les quartiers les plus pauvres sont les plus touchés par la pollution atmosphérique - mais aussi que, pour certains polluants (BC et NO₂), la LEZ a conduit à des réductions plus rapides de cette pollution de l’air dans ces quartiers.

Après la pause, ce fut au tour des représentants de 4 organisations d'expliquer comment celles-ci s’investissent pour une meilleure qualité de l'air à Bruxelles : Tim Cassiers du BRAL - Citizen Action Brussels, Renaud Leemans des Chercheurs d'Air, Marie-Charlotte Debouche de ClientEarth et Dr Patricia Palacios de la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG). Selon le panel, le grand public ne manque pas d'intérêt pour les questions concernant la pollution de l’air. Au contraire, les citoyens attendent justement que les autorités publiques et les administrations des villes prennent des mesures appropriées. L'engagement et l'intérêt de la population se mesurent aussi par le succès des "projets scientifiques citoyens", tels que CurieuzenAir, auquel 3.000 personnes ont participé. S'il est vrai que les initiatives de la Région de Bruxelles-Capitale pour améliorer la qualité de l'air se heurtent à une certaine résistance, il ne faut pas oublier qu'elles bénéficient également d'un large soutien. Les autorités doivent également être tenues responsables de l'absence de politiques appropriées pour améliorer la qualité de l'air, selon le panel. Les médecins peuvent également apporter leur contribution dans ce contexte et informer leurs patients de l'impact de la pollution de l'air sur la santé, en particulier dans les groupes vulnérables tels que les personnes souffrant de maladies chroniques. Mais pour cela, il faut que les médecins soient informés sur ces thématiques pendant leur formation, ce à quoi la SSMG tente de contribuer en développant des formations en ligne.

Enfin, plusieurs experts ont évoqué les mesures déjà prises par les administrations de nos villes ainsi que les mesures complémentaires qui pourraient contribuer à améliorer la qualité de l'air. Dorthe Nielsen, d'Eurocities, a donné un aperçu des initiatives que les cités européennes ont prises ou prévoient à l'avenir. La ville de Paris souhaite, par exemple, déjà atteindre les normes recommandées par l’OMS d'ici 2035. Jacek Kisiel, de la ville de Varsovie, a parlé du projet d'élimination progressive des nombreux poêles à charbon de la ville. Un cadre réglementaire et un financement adéquats sont des aspects importants, mais l'information et la sensibilisation des habitants restent essentielles. Varsovie deviendra d'ailleurs la première ville de Pologne à disposer d'une LEZ. Julia Poliscanova, de Transport & Environment, a présenté la campagne "Clean Cities" qui vise à bannir les voitures polluantes des villes d'ici 2030. Comment y parvenir ? En encourageant la mobilité active, en proposant une offre solide de transports publics et en électrifiant le parc automobile. Oskar Bonte, du Conseil flamand de la jeunesse, a confirmé que la qualité de l'air est également une question importante pour les jeunes, de même que la nécessité de disposer de plus d'espaces verts, d'une meilleure offre de transports publics et de routes sûres pour les vélos. Pour améliorer la qualité de l'air, les membres du panel considèrent qu'il y a 2 points essentiels : 

  • Les bonnes idées ne manquent pas mais l'engagement politique fait défaut.
  • Une transition juste assortie de politiques sociales en faveur des groupes vulnérables est cruciale. Une approche holistique est nécessaire pour lutter contre la pollution de l'air.

Christian Horemans, des Mutualités Libres, a clôturé la conférence en soulignant les 3 messages clés à retenir de celle-ci. 

  1. Le changement : pour rendre nos villes plus saines, nous devons faire les choses autrement. Nous ne pouvons pas nous permettre d'appuyer sur le bouton pause. 
  2. L’opportunité : l'UE est sur le point de se doter d'un nouveau cadre juridique sur la qualité de l'air, ce qui créera des opportunités pour réduire davantage la pollution de l’air. 
  3. La solidarité : envers les groupes vulnérables, tels que les personnes âgées, les enfants ou les personnes souffrant de maladies chroniques, envers les habitants des quartiers plus pauvres et souvent plus pollués et, enfin, entre les générations.

Téléchargez le rapport de la conférence : 
Version FR
EN version