S’il y a bien un élément à retenir des événements de ce printemps, au cours des manifestations des agriculteurs et des débats houleux, c'est que notre système alimentaire est confronté à un défi de taille. Notre système alimentaire est si important pour tous les citoyens que les dysfonctionnements aujourd'hui mis à nu méritent un large débat public.
Nous voulons un dialogue axé sur la recherche de solutions. Nous voulons et devons parvenir à un résultat durable concerté avec tous les acteurs. Le modèle agricole actuel atteint ses limites, tant sur le plan socio-économique qu'écologique, et cela nous concerne tous.
Seules des décisions intégrales et mûrement réfléchies peuvent aider les agriculteurs. Affaiblir la politique de protection de la nature empêche une approche efficace des immenses défis auxquels notre société est confrontée.
Faire différemment
Sans sols fertiles, rien ne poussera nulle part. Sans nature, pas de production alimentaire. Les trois quarts des cultures dépendent des pollinisateurs. Une nature robuste rend l'agriculture moins vulnérable aux événements climatiques extrêmes. Davantage de nature signifie aussi davantage de stockage du carbone. Si nous continuons à fermer les yeux sur la destruction de notre nature, les conséquences seront dramatiques pour le secteur agricole et donc pour l’ensemble de notre système alimentaire. Et ce justement, alors que de nombreux agriculteurs sont déjà enlisés dans une situation socio-économique désastreuse.
En même temps, de nombreux agriculteurs (agroécologiques et biologiques) prouvent déjà aujourd'hui qu'il est possible de procéder différemment. Associer l'agriculture et la nature nous permet de garantir la biodiversité ainsi que les indispensables tampons face aux changements climatiques, qui protègent et renforcent nos cultures.
630.000 morts
Les agriculteurs ne sont d'ailleurs pas les seuls acteurs économiques à tirer parti d'une nature saine. Plus de 50 % de l'économie mondiale en dépend, selon le calcul du Forum économique mondial. Les entreprises ont besoin de ressources naturelles et de services écosystémiques. Ceux-ci sont gravement menacés par la perte continue de biodiversité et le changement climatique.
Le coût total du dérèglement climatique pour l'économie belge est estimé à 9,5 milliards d'euros par an. Revenir en arrière sur les mesures de restauration de la nature est une très mauvaise idée. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle que la mauvaise qualité de l'environnement contribue à un décès sur huit. Cela représente 630.000 décès par an dans l'UE, soit proportionnellement 11.700 décès en Belgique.
Inondations et bien-être
Chaque hectare de nature supplémentaire signifie huit personnes de moins à soigner. Les bienfaits de la nature sur la santé sont à la fois préventifs et curatifs, et influencent aussi bien notre bien-être physique que mental. Sans parler des bénéfices des loisirs et des expériences vécues en pleine nature. Face au vieillissement de la population et au nombre croissant de malades de longue durée, il ne faut pas laisser passer l’opportunité d’inclure l'impact positif de la nature dans les décisions politiques.
La nature est notre meilleur alliée contre le changement climatique. Les inondations soudaines comme celles qui ont frappé la Wallonie en 2021 et les catastrophes comme celles qui ont touché de plein fouet la Flandre-Occidentale en 2023 seront de plus en plus fréquentes. La question n'est pas de savoir si cela va arriver, mais quand. La seule façon de s'en prémunir est de donner de l'espace à la nature.
Investir dans la nature bénéficie à tous. Chaque euro est rentabilisé plusieurs fois, ce qui est crucial en période d'austérité.
Loi sur la restauration de la nature
Même si nous sommes confrontés presque quotidiennement à la nécessité de protéger et de renforcer nos écosystèmes, force est de constater qu'en dehors des projecteurs, la tendance inquiétante face à laquelle nous avions réagi en février se poursuit. Le niveau d'ambition des mesures relatives à la nature et à l'environnement a été revu à la baisse et plusieurs initiatives ont été retirées. Il suffit de penser au retrait par la Commission européenne du règlement sur l'utilisation durable des pesticides et de la directive-cadre sur l’eau, ainsi qu'à l'abandon de plusieurs mesures environnementales dans le cadre de la politique agricole commune. L'une des pierres angulaires du Green Deal européen, la loi européenne sur la restauration de la nature, est également dans l'impasse. Et le gouvernement flamand en porte une grande responsabilité... Un vote favorable de la Belgique suffirait à faire de cette loi une réalité en Europe, mais un non du gouvernement flamand empêche la Belgique de voter en faveur de cette loi. Nous demandons au gouvernement flamand de revoir sa position et d'approuver la loi sur la restauration de la nature.
Cette large coalition de plus de 60 organisations souhaite redonner une voix à la nature. Nous devons évoluer vers un modèle agricole durable, avec des revenus décents et une sécurité d’existence, dans les limites de l'environnement, de la nature et du climat, afin que la société dans son ensemble puisse en bénéficier.
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