Les invitations aux dépistages suspendues
L’association BruPrev, chargée d’organiser les dépistages en Région bruxelloise, n’a pu envoyer aucune invitation depuis janvier 2025. Or, ces courriers personnalisés permettent habituellement à toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans d’accéder à un Mammotest gratuit tous les deux ans, et à l’ensemble des citoyens de 50 à 74 ans de retirer un test de dépistage du cancer colorectal en pharmacie.
Ces courriers individuels sont essentiels : un cancer détecté précocement offre bien plus de chances de guérison, jusqu’à 90 % dans le cas du cancer du côlon. Ce dernier est souvent diagnostiqué tardivement et reste, d’ailleurs, le 2e cancer le plus meurtrier en Belgique. D’où l’importance de démarches personnalisées et proactives de sensibilisation auprès du grand public.
Pour les Mutualités Libres, dont Partenamut fait partie, cette situation est alarmante pour une région où la participation au dépistage était déjà largement inférieure aux recommandations européennes.
Un climat incertain pour la prévention
À Bruxelles, la prévention en matière de santé est désormais reléguée au second plan. Le budget dit “provisoire”, adopté faute de gouvernement de plein exercice, plonge de nombreux acteurs dans une incertitude financière paralysante.
Par exemple, comme d’autres structures dépendant de subsides “facultatifs (annuels)”, l’asbl BruPrev ne dispose actuellement que de 50 % de son financement pour l’année 2025. Les moyens nécessaires pour assurer ses missions au second semestre restent aussi en suspens dans l’attente d’une hypothétique validation parlementaire. Dans un tel contexte, une association peut être contrainte de réduire son activité, voire de suspendre certaines activités, comme par exemple l’envoi d’invitations aux dépistages. À noter également que les mutualités, acteurs de prévention, opèrent en ce moment un projet intermutualiste de sensibilisation aux dépistages des cancers féminins, pour lesquels les subsides se situent dans ce même climat d’incertitude.
Cette situation reflète une réalité plus large : celle d’un désengagement progressif de la Région dans ses missions de santé publique. Avec le risque de faire glisser toute une frange de la population dans la fracture sanitaire.
Bruxelles, région de seconde zone ?
Le contraste est frappant. En Flandre, les campagnes de dépistage se déroulent sans interruption. En Wallonie, les programmes de prévention sont toujours assurés. À Bruxelles, en revanche, non seulement l’envoi des invitations pour le dépistage du cancer du sein et colorectal est à l’arrêt, mais il n’existe toujours aucun programme organisé pour le dépistage du cancer du col de l’utérus, contrairement à la Flandre. Une inégalité de plus, dans une région déjà à la traîne en matière de prévention.
Cette situation met en lumière un paradoxe cruel : dans une région cosmopolite, densément peuplée et déjà fragilisée sur le plan socio-économique, on affaiblit encore les filets de sécurité de la santé publique.
Une urgence politique et sanitaire
Durant la dernière campagne électorale, de nombreux partis ont fait de la prévention en santé un axe prioritaire. Or, les études démontrent que ces programmes ne sont pas seulement efficaces sur le plan médical, ils sont également rentables pour les finances publiques. Investir dans le dépistage, c’est éviter des traitements lourds et coûteux à long terme.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus simplement de débloquer des fonds ou de former un gouvernement, mais de protéger des vies. À l’heure où Bruxelles s’enfonce dans un marasme politique et budgétaire, il est vital que la Région se dote sans délai d’un gouvernement de plein exercice. Non seulement pour redresser les comptes, mais aussi pour rétablir des missions de base comme la prévention en santé.