La Belgique est à la traîne en matière de prévention. Elle y consacre actuellement à peine 2 % de son budget de soins de santé, ce qui est inférieur à l'objectif de 5 % fixé par l'OMS. Ce pourcentage est même inférieur à la moyenne européenne de 3 %. Investir davantage dans la prévention des maladies (au moins 3 % du budget total des soins de santé) serait un scénario win-win car chaque euro investi dans des mesures préventives serait rentable. Du point de vue des patients et de la population en général, les gains seraient également énormes.
Importance de la prévention
Notre directeur général, Xavier Brenez, souligne que la prévention se concentre sur les maladies chroniques et non transmissibles. En Belgique, la prévalence de ces maladies est supérieure à 20 %, et elles constituent une cause majeure de la perte d'années de vie en bonne santé. Les maladies chroniques sont étroitement liées à divers facteurs de santé tels que le tabagisme, la consommation d'alcool, l'alimentation, la sédentarité, ainsi qu’à des facteurs environnementaux comme la pollution atmosphérique. Des études montrent d’ailleurs que notre système de soins de santé a un impact de 30 % sur la santé des patients, tandis que les conditions de vie, le salaire, et l’éducation représentent entre 70 et 90 % des facteurs modifiables de la santé.
Amélioration des mesures de prévention
Pour aller vers une politique de prévention optimisée, nous avons exploré au cours du symposium l'aspect de la prévention par niveaux, à savoir :
- Niveau macro : un cadre stratégique uniforme avec des objectifs de santé nationaux et des indicateurs mesurables, qui favorise la collaboration interinstitutionnelle.
- Niveau méso : le renforcement des initiatives locales, suivant l'exemple de la “Ville-Santé” de Cork en Irlande, où une gouvernance locale proactive s'est avérée efficace.
- Niveau micro : cibler les comportements individuels, comme la prévention de l'obésité aux Pays-Bas et l'amélioration de l'accès aux dépistages en Belgique.
Défis institutionnels
Le système belge de soins de santé est fragmenté, avec des compétences réparties entre les différents niveaux de pouvoir. Cette structure entrave la coordination et l'efficacité de la politique de prévention. À Bruxelles, par exemple, la présence de multiples entités compétentes crée des problèmes de coordination. Une approche différente, basée sur des diagnostics de quartier ou socio-économiques, est nécessaire pour s'attaquer aux inégalités spécifiques.
Importance de la santé dans toutes les politiques (HiAP)
Les déterminants sociaux ont un impact significatif sur la santé et la qualité de vie. Il est essentiel d'adopter une approche qui tienne compte des besoins fondamentaux tels que le logement, la mobilité et la nutrition. Il ne s'agit pas seulement de la “ santé dans toutes les politiques ”, mais aussi de la “ santé pour toutes les politiques ” : tous les domaines d'action bénéficient d'une bonne santé. Il est essentiel de convaincre les décideurs politiques des avantages économiques et sanitaires de la prévention.
L'action locale et la coopération intersectorielle sont mises en avant pour intégrer la santé dans tous les domaines politiques.
Gouvernance et budget
Des progrès ont été réalisés en matière de collaboration depuis la pandémie de COVID-19, mais il reste nécessaire d'améliorer l'alignement entre les acteurs et les niveaux de gouvernement pour atteindre les objectifs en matière de santé. Il est essentiel de responsabiliser les gouvernements : les gouvernements fédéral et régionaux devraient partir d'objectifs de santé communs et veiller à ce que les actions soient ciblées et aient un impact. Il y a une pénurie de ressources et un manque d'harmonisation entre les différents niveaux de gouvernement.
Intervention combinée sur le mode de vie (GLI)
Le programme néerlandais d'intervention combinée sur le mode de vie (GLI) a été présenté. Ce projet vise à enseigner un mode de vie plus sain grâce à des programmes de soins qui combinent une alimentation plus saine, davantage d’exercice physique et un changement de comportement. Près de la moitié des participants ont perdu au moins 5 % de leur poids et ont témoigné d'une meilleure qualité de vie. Les Mutualités Libres ont étudié la faisabilité de la mise en œuvre d'un programme similaire en Belgique.
En Belgique aussi, nous avons besoin d'une approche intégrée et multidisciplinaire de l'obésité, et il est essentiel que les différentes autorités (fédérales, régionales et locales) collaborent pour y parvenir."
- Ruud Saerens
Débat et collaboration
Les professionnels de la santé ont débattu de l’implémentation de la GLI en Belgique. Luc Lipkens, de Gezond Leven, a souligné l'importance de la confiance entre les médecins et les organisations vers lesquelles sont orientés les patients. Le professeur Bart Van der Schueren, de l'UZ Leuven, a appelé à une plus grande collaboration multidisciplinaire et à un meilleur partage des connaissances entre les prestataires de soins de santé. Damien Wathelet, d'Axxon, a souligné l'importance pour les professionnels de la santé de disposer de suffisamment de temps et de formation pour bien collaborer.
Conclusion
La prévention est bel et bien la clé d’une population en meilleure santé. La politique doit sensibiliser davantage les citoyens et promouvoir une approche multidisciplinaire. La prévention ne se limite pas à la sensibilisation et à l'information ; il s'agit également de lutter contre les inégalités en matière de santé en s'attaquant aux déterminants sociaux et aux facteurs environnementaux qui influent sur notre santé.