Chaque année nous suivons l’évolution de l’utilisation d’antibiotiques auprès des affiliés de nos mutualités Partenamut, Helan et Freie Krankenkasse. On constate une légère diminution de la consommation moyenne, exprimée en doses journalières définies pour 1.000 habitants par jour (DID) entre 2016 et 2024, mais les divers objectifs fixés par, entre autres, le Plan d'action belge AMR One Health (Plan d’action national belge One Health de lutte contre la résistance aux antimicrobiens) ne sont en grande partie pas atteints.
La résistance aux antibiotiques
En 2023, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné l'ampleur du problème lié à la résistance aux antibiotiques, avec environ 1 infection sur 5 dans les pays de l'OCDE déjà résistante aux antibiotiques, contribuant aux 79 000 décès annuels dus aux bactéries résistantes dans les pays de l'OCDE. Les personnes âgées et les très jeunes enfants sont particulièrement à risques. En Belgique, environ 1 infection sur 11 était résistante en 2019. Si aucune action efficace et globale n'est entreprise, on prédit notamment que des infections simples deviendront difficiles, voire impossibles à traiter avec des antibiotiques, et que les interventions chirurgicales simples deviendront compliquées étant donné qu'il ne sera plus possible de prévenir les infections.
Situation en Belgique
Les dernières années, des initiatives telles que le plan d'action belge AMR "One Health", des indicateurs pour soutenir les médecins généralistes dans une prescription efficace d’antibiotiques et un baromètre des antibiotiques (système automatisé d'audit et de feed-back) ont été introduites. Néanmoins, la consommation d’antibiotiques en Belgique reste élevée.
Objectifs de l’analyse
L'objectif de l'analyse est double :
- Décrire l'évolution de la consommation ambulatoire d'antibiotiques en Belgique entre juillet 2016 et juin 2024.
- Evaluer si certains objectifs relatifs à l’utilisation correcte des antibiotiques dans la période juillet 2023-juin 2024.
Nos résultats
- En ce qui concerne l'évolution de la consommation d’antibiotiques : au cours de la période juillet 2023-juin 2024, 1 affilié sur 3 (33,6 %) a reçu au moins un cycle d'antibiotiques remboursés et 17,8 doses journalières standard pour 1 000 habitants par jour ont été délivrées. Il s’agit d’une baisse par rapport à la période juillet 2016-juin 2017. On note tout de même une nette augmentation par rapport à 2020-2021.
- En ce qui concerne l’atteinte d’objectifs fixés au niveau national ou international : en analysant l’utilisation des antibiotiques parmi nos affiliés, nous constatons qu’entre 2016 et 2024, seul 1 objectif des 5 fixés par le plan "One Health" et par des organismes comme l'ECDC et le KCE a été atteint.
- Réduction de l'utilisation des quinolones à 5 % du volume total d'antibiotiques d'ici 2024
Pourquoi ? Les quinolones ont un large spectre d’activité et sont très utiles pour lutter contre certaines infections graves. Il est important de limiter leur utilisation en raison du développement rapide de résistance (et des risques d’effets indésirables)
Résultat : pas atteint. Le rapport BELMAP indique que la part globale des quinolones dans le volume total des antibiotiques (y compris les antibiotiques non remboursés) est de 7 % en 2022. - Augmentation du rapport amoxicilline versus amoxicilline-acide clavulanique à 80/20
Pourquoi ? L'association d’amoxicilline et d’acide clavulanique élargit le spectre antibactérien de l’amoxicilline seule. C’est pourquoi cette combinaison n’est pas recommandée en première intention.
Résultat : pas atteint : En 2024, le ratio est de 55 %/45 %, encore loin de l'objectif. - Diminution globale de 40 % de la consommation d'antibiotiques par rapport à 2019
Résultat : Pas atteint. Bien qu'il y ait eu une diminution de l'utilisation des antibiotiques pendant la pandémie de COVID-19, la consommation est repartie à la hausse depuis 2021, atteignant des niveaux similaires à ceux de la période pré-pandémie. - Utilisation modérée des antibiotiques de deuxième ligne
Pourquoi ? Ces antibiotiques sont utilisés lorsque le traitement standard est inefficace ou inadéquat
Résultat : Pas atteint. les antibiotiques de deuxième ligne représentent environ 47 % de l’utilisation totale d’antibiotiques, un niveau qui reste élevé. - Utilisation majoritaire (65 %) des antibiotiques de la catégorie "Access" de l'OMS
Pourquoi ? Il s’agit d’antibiotiques qui agissent contre un grand nombre de bactéries courantes et qui sont également moins susceptibles de présenter une résistance. Cet objectif est utilisé par l'OMS pour surveiller l'utilisation des antibiotiques dans différents pays.
Résultat : Atteint. En 2024, 69 % des antibiotiques utilisés en Belgique appartiennent à cette catégorie
Recommandations
La Belgique reste un grand consommateur d'antibiotiques. Il est essentiel de continuer à encourager l’utilisation rationnelle des antibiotiques pour réduire leur consommation et s’aligner davantage avec les objectifs fixés.
Dans ce cadre, les Mutualités Libres proposent :
- A un niveau macro, dans le prolongement d'une politique globale alignée sur le principe « One Health », qui intègre les dimensions de santé humaine, animale et environnementale, il est essentiel de poursuivre la mise en œuvre les actions du plan d’action national belge One Health de lutte contre la résistance aux antimicrobiens.
- Au niveau des professionnels de santé, il faut continuer à soutenir les médecins dans leur pratique, notamment en favorisant les initiatives locales de gestion des antibiotiques, en améliorant les outils qui aident les médecins à prendre les meilleures décisions pour leurs patients (ex. intégrer les recommandations dans les dossiers médicaux électroniques), en leur fournissant un retour d'information sur leur prescription, et en renforçant leurs compétences de communication avec le patient. Par ailleurs, les pharmaciens sont un partenaire essentiel pour accompagner les patients dans l'utilisation appropriée des antibiotiques.
- Pour les citoyens, une sensibilisation accrue sur la prévention des infections, sur la mauvaise utilisation des antibiotiques et les dangers liés à la résistance aux antimicrobiens reste un pilier important. Promouvoir le site parlonsantibiotiques.be permet d’apporter certaines réponses aux citoyens, de lutter contre les idées reçues sur les antibiotiques et sensibiliser le public aux risques liés à la résistance aux antimicrobiens.
Découvrez ici l'étude complète