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Le rôle d’Ozempic et Mounjaro dans une approche intégrée contre l’obésité

Il y a plus de 160 ans, l'entrepreneur des pompes funèbres britannique William Banting a introduit un régime pauvre en glucides et riche en protéines comme remède contre le surpoids dans sa publication "A Letter on Corpulence, Addressed to the Public". Depuis, d'innombrables régimes et méthodes ont vu le jour, mais la lutte contre le surpoids et l'obésité reste inachevée. Aujourd'hui, une nouvelle révolution semble émerger : l'essor des analogues du GLP-1 comme Ozempic et Mounjaro. Ce médicament est-il le saint graal tant attendu ?

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Dame s'injectant du Semaglutide dans le ventre

Une opinion d'Evelyn Macken, Experte médicaments aux Mutualités Libres (Partenamut, Helan, Freie Krankenkasse)

Un problème croissant, un impact sociétal majeur

En Belgique, environ la moitié de la population est en surpoids et près d'une personne sur cinq souffre d'obésité. Les conséquences de l'obésité ne doivent pas être sous-estimées : elle augmente le risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et même de certains cancers. Elle s’accompagne aussi plus fréquemment de troubles psychiques, comme la dépression et une mauvaise estime de soi. De plus, l'obésité touche de manière disproportionnée les groupes socio-économiquement vulnérables, accentuant ainsi les inégalités en matière de santé. L'impact sociétal est énorme : Sciensano estime le coût de l'obésité à 4,5 milliards d'euros par an, une somme que notre société peine à assumer dans un contexte budgétaire tendu.

La promesse des médicaments contre l'obésité

L’intérêt pour des médicaments tels que le sémaglutide (Ozempic) et le tirzépatide (Mounjaro) ne cesse de croître. Développés initialement pour traiter le diabète de type 2, ils se révèlent aussi efficaces pour la perte de poids en réprimant la sensation de faim. Les études montrent une perte de poids moyenne de 15 %, un résultat prometteur. Pourtant, des nuances sont nécessaires.

L'obésité est une maladie complexe, issue de facteurs génétiques, métaboliques et environnementaux. Une approche durable au-delà de “la simple prise d’une pilule” est donc cruciale.

La prévention et les mesures structurelles doivent être au cœur de cette approche globale. Il est essentiel de promouvoir une alimentation équilibrée : les écoles peuvent proposer des repas et des collations saines, les supermarchés doivent rendre les aliments sains plus abordables et les villes doivent penser leur aménagement pour favoriser la mobilité active (circuits cyclo-piétons...) et les infrastructures sportives. Les enfants et les jeunes méritent un environnement où les choix sains deviennent la norme.

Une approche intégrée pour les personnes déjà concernées

Outre la prévention, une approche intégrée est nécessaire pour les personnes souffrant déjà d’obésité. Aux Pays-Bas, l'Intervention Combinée sur le Mode de Vie (GLI) est remboursée depuis 2019 : un programme qui, sous la supervision de professionnels, vise un changement comportemental durable. Les résultats sont positifs, avec une perte de poids significative et une amélioration de la qualité de vie des participants. Une telle approche mérite d'être adoptée en Belgique.

Investir dans la prévention et les soins de première ligne

La Belgique a déjà pris des initiatives en matière de traitement de l'obésité, mais celles-ci restent souvent confinées aux hôpitaux et ne sont pas financièrement accessibles à tous. Ce qui manque, c'est une approche structurée de première ligne impliquant kinésithérapeutes, diététiciens, psychologues et médecins avec un accompagnement axé sur le mode de vie et le changement de comportement, avec ou sans médicaments. Les mutualités jouent un rôle essentiel en matière de prévention, notamment à travers l'organisation de campagnes de sensibilisation, d'ateliers ou l'envoi d'informations générales ou ciblées. Elles assurent également le remboursement des prestations couvertes par l’assurance obligatoire et offrent des avantages complémentaires, tels que des programmes d’accompagnement ou des consultations diététiques. C’est un élément essentiel, mais encore insuffisant : un financement structurel et un cadre organisationnel sont nécessaires pour garantir des soins de qualité et accessibles.

Trouver le juste équilibre

Les médicaments contre l'obésité peuvent jouer un rôle important dans la perte de poids, mais ils ne doivent pas être considérés comme une solution miracle. Sans investissement dans la prévention, nous continuerons à dépenser des milliards pour traiter les conséquences de l'obésité. En 2024, les gouvernements fédéral et régionaux ont formulé des objectifs de santé communs, tels que l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé, la réduction des inégalités en matière de santé et la promotion d’un environnement de vie aussi sain. Un plan global contre l'obésité est une étape essentielle pour atteindre ces objectifs.

La question n'est donc pas de savoir si les médicaments contre l'obésité ont un rôle à jouer, mais plutôt comment les intégrer intelligemment dans une stratégie plus large de prévention et de traitement. C’est le seul chemin pour mener une lutte pertinente et durable contre le surpoids et l'obésité.