Considérer uniquement les coûts ne suffit pas. Il est de plus en plus évident qu’il faut envisager la situation comme un investissement dans le capital humain en vue de réduire les coûts finaux. L'approche de ce problème complexe, au carrefour des politiques d’emploi, des affaires sociales, de santé et d’économie, nécessite aujourd’hui un changement fondamental. Vu l'ampleur du phénomène et le nombre de parties prenantes impliquées, il est illusoire de penser que nous pouvons avoir un impact significatif sans investir de manière substantielle. Contrairement aux coupes budgétaires, une meilleure définition des priorités et une utilisation plus efficace des ressources constituent une solution. Celle-ci passe par 4 changements de perspectives :
Simplifier le régime d’incapacité
La première étape pour une approche durable est la simplification. De nouvelles couches ne cessent d’être ajoutées dans les différentes branches de la sécurité sociale : ajout de statuts particuliers, procédures ou reportings..... Cette complexité croissante entraîne une charge administrative excessive pour les équipes médicales des mutualités, en charge du suivi de l’incapacité de travail. Or, ces équipes doivent pouvoir consacrer leur temps à l'accompagnement des malades de longue durée. Une évaluation approfondie et une simplification des processus administratifs sont donc nécessaires.
Avoir de l’impact
Une seconde étape consiste à travailler là où notre impact est le plus significatif, en se basant sur les faits et les données probantes. Avec des ressources limitées, les mutualités ne peuvent pas simultanément traiter 450.000 nouveaux cas d’incapacité de travail et accompagner un demi-million d'invalides.
Parallèlement, nous savons qu’une intervention rapide en cas d'incapacité de travail est essentielle. C'est pourquoi nous plaidons en faveur d'une concentration des efforts sur la réduction du nombre de nouveaux cas d'incapacité de travail. Plus un travailleur reste longtemps en arrêt maladie, moins il a de chances de revenir au travail. De facto, il semble plus judicieux d’agir dès les premiers signes d’absence ainsi que sur la prévention.
Intervenir au plus tôt et mieux cibler les initiatives en identifiant les personnes qui ont des capacités restantes ou dont la condition médicale permet de retourner au travail sera plus efficace et limitera le nombre d’entrées en invalidité. Outre ces actions, il reste essentiel d'encourager les employeurs à plus de flexibilité pour permettre à leurs collaborateurs de combiner un travail adapté et une pathologie existante.
Aménager les fins de carrière
Le vieillissement de la population et l’allongement des carrières entraînent inévitablement une augmentation du nombre de malades de longue durée. C’est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Bien que l'accès à la retraite anticipée ait été restreint et que l'âge de la retraite ait été repoussé, les deux mesures étant légitimes, il sera essentiel pour la prochaine législature de faire de l’aménagement des fins de carrière une priorité. Nous plaidons en faveur de fins de carrière plus flexibles pour éviter que des personnes se retrouvent totalement hors circuit. Dans cet esprit, les employeurs ont aussi un rôle essentiel à jouer dans l’aménagement des horaires et des fonctions, la combinaison du travail/maladie et le travail à temps partiel.
Focus sur la capacité
Que ce soit au début, au milieu ou en fin de carrière, il faut pouvoir combiner le travail et la maladie de manière plus flexible grâce à un focus sur la capacité de la personne. Il s’agit ici d’un changement de paradigme, soutenu par de nombreux acteurs et exprimé lors du symposium « Incapacité de travail » organisé ce 23 novembre dernier par les Mutualités Libres : il est nécessaire de baser notre approche sur ce que les gens peuvent encore faire.
Une piste concrète serait, à l’instar d’autres pays, l’introduction d’un pourcentage supplémentaire de perte de capacité. Nous proposons un pourcentage d’incapacité de 33 %, en plus du pourcentage actuel de 66 %. Ce pourcentage supplémentaire permettrait de reconnaître l’altération de l’état de santé physique ou psychique tout en reconnaissant la capacité de la personne à encore exercer une activité professionnelle. Cette mesure permettrait de sortir de l’actuelle binarité : capable ou incapable de travailler.