Médicaments

L'accès aux médicaments innovants : un enjeu de santé et un challenge à relever

La dynamique croissante entre l'innovation pharmaceutique, les coûts associés et la durabilité du système de santé suscite une réflexion approfondie. Alors que de nouveaux médicaments promettent des avancées significatives dans le traitement des patients, une question cruciale demeure : comment pouvons-nous garantir l'accessibilité à ces médicaments innovants tout en maintenant la viabilité financière des systèmes de santé ? 

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Évolution des dépenses pharmaceutiques

Au cours des dernières années, les dépenses publiques en médicaments ont connu une augmentation substantielle, représentant déjà 17 % du budget des soins médicaux en 2021, atteignant 5 milliards €.  

La hausse des dépenses est due principalement aux prix élevés des nouveaux médicaments et à l'introduction de traitements innovants tels que les thérapies géniques d’une part et à l'utilisation croissante de thérapies coûteuses notamment dans les hôpitaux (p.ex. dans l’oncologie) et aux volumes prescrits d’autre part.  

En effet, on assiste aujourd’hui à un développement rapide de nouveaux médicaments susceptibles d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies graves ou de guérir des maladies pour lesquelles il n’existe actuellement aucun traitement. Mais cette innovation coûte cher et pèse sur le budget dédié aux médicaments. Par ailleurs, en Belgique, la consommation de médicaments est élevée, surtout pour certaines classes de médicaments.  

Si l’on veut assurer la durabilité du système et garantir l’accès aux nouveaux médicaments, il sera essentiel de focaliser nos efforts sur 2 aspects : le coût des médicaments et le volume de prescriptions.

Une innovation nécessaire mais à quel prix ?

Les ressources publiques étant limitées, il est logique qu’elles soient utilisées le plus efficacement possible, en offrant une valeur ajoutée au patient à un coût acceptable.

Les médicaments innovants peuvent contribuer à une meilleure qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ou à un meilleur traitement. Il y a donc un besoin de technologies innovantes pour rencontrer l’objectif de notre politique de santé, à savoir augmenter l’espérance de vie en bonne santé.

Garantir l’accès aux médicaments innovants constitue toutefois un défi complexe pour plusieurs raisons. En raison de leur caractère innovant, il existe une forte pression pour mettre un nouveau médicament sur le marché et le rembourser. Or, leur valeur ajoutée au moment du remboursement est souvent encore floue, car des incertitudes subsistent ou parce que le bénéfice par rapport aux traitements existants n’est pas encore clairement démontré. De plus, les thérapies innovantes ont un prix : un prix souvent élevé, pas toujours justifié par l’entreprise et renforçant la pression sur la durabilité de notre système.  

Face à ce défi de l’équilibre entre innovation, accès aux médicaments et durabilité du système, il s’agit de travailler sur 3 axes principaux : l’ajustement du système existant, plus de transparence dans les coûts des médicaments et la collaboration internationale.

Ajuster le système existant

En Belgique, des mécanismes spécifiques ont été prévus pour permettre au patient d’accéder à ces médicaments innovants, même si des incertitudes budgétaires ou scientifiques subsistent. Il s'agit du principe des « contrats » : des d’accords confidentiels fixant un coût spécifique pour un médicament en tenant compte, entre autres, des incertitudes persistantes et de leur impact potentiel sur le budget des médicaments.

Ce système permet actuellement de contrôler les dépenses, de collecter des informations supplémentaires sur l'efficacité et d’offrir aux patients l'accès à un traitement potentiellement prometteur. Bien que ces accords facilitent l'accès à l'innovation tout en établissant un cadre avec des garanties, le manque de transparence suscite des préoccupations. La confidentialité empêche l'examen critique des dépenses réelles en médicaments par les citoyens et les organisations, et entrave les autorités dans la justification de leurs décisions.

Des ajustements peuvent être envisagés dans ce système pour renforcer la transparence et accroître la responsabilisation des sociétés pharmaceutiques.

Gérer les coûts avec plus de transparence

Une gestion équilibrée des coûts dans le domaine pharmaceutique requiert une approche conciliant l'innovation avec l'accessibilité et la durabilité du système de santé.  

Les prix élevés des médicaments innovants n'est pas une problématique belge ou européenne, mais mondiale, soulignant la nécessité de traiter ce problème au-delà des frontières de la Belgique. Un premier pas peut être fait en améliorant, notamment, la transparence concernant l'investissement des ressources publiques dans la recherche.

Renforcer la collaboration européenne

La collaboration au niveau européen est cruciale pour relever les défis dans le secteur pharmaceutique. Des initiatives visant à stimuler l'accès à l'innovation tout en contrôlant le budget des soins de santé sont en cours. Cependant, les incertitudes persistantes concernant l'efficacité des médicaments lors de leur mise sur le marché nécessitent un renforcement de la collaboration entre les pays européens et une approche qui met plus l’accent sur les données nécessaires pour évaluer la valeur du médicament par rapport aux traitement existants.

Encourager une prescription rationnelle

Pour assurer la pérennité du système, il faut non seulement contrôler les coûts, mais aussi réduire les volumes en encourageant une utilisation rationnelle.

En Belgique, la consommation de médicaments, dont les antibiotiques, les somnifères et les calmants, est élevée. Depuis longtemps, des tentatives ont été réalisées pour réduire cette consommation, mais sans résultat satisfaisant jusqu’ici. Or, la surconsommation de médicaments peut entraîner des problèmes tels que la résistance aux antimicrobiens dans le cas des antibiotiques, la dépendance dans le cas des somnifères et des calmants ou des hospitalisations.

Sur le front des volumes, une prescription plus rationnelle, en particulier pour les antibiotiques mais aussi pour d’autres classes de médicaments, peut contribuer à maîtriser les dépenses tout en assurant un traitement efficace et approprié.

Vers un avenir géré avec sagesse

En conclusion, l'avenir du remboursement des médicaments exige une gestion éclairée, équilibrant la nécessité de l’accès à l'innovation avec la responsabilité financière.  

En combinant différentes mesures, nous pouvons trouver un équilibre entre l’encouragement de l’innovation et la garantie d’un accès abordable aux médicaments essentiels pour les patients.  

ZOOM : les médicaments les plus coûteux par patient pour l’assurance maladie

En 2022, les dépenses totales pour l'assurance maladie obligatoire des 10 médicaments les plus coûteux par patient auprès des Mutualités Libres ont atteint la somme de 97.165.637 €. Ce coût est supporté par l'assurance maladie obligatoire, allégeant ainsi la charge financière des patients qui n'ont rien à débourser de leur poche pour ces médicaments vitaux.

Cette dépense considérable est concentrée sur un groupe restreint de patients, soit 303 membres des Mutualités Libres au cours de l'année 2022. La dépense moyenne par patient oscille entre 233.259 et 731.399 €. Ces chiffres mettent en lumière la nature spécialisée et coûteuse des traitements nécessaires à ces patients spécifiques.

Les médicaments sont principalement destinés au traitement de maladies rares, avec 3 grandes catégories de pathologies : maladies métaboliques rares (Pompe, Fabry…), maladies rares comme l'atrophie musculaire spinale ou l'amylose héréditaire à transthyrétine ou des cancers spécifiques.

À noter également, pour 6 de ces 10 médicaments des conventions confidentielles ont été conclues : ce qui signifie que les dépenses qui leur sont associées ne reflètent pas nécessairement les coûts réels. Ces accords prévoient des mécanismes de compensation budgétaire, souvent liés à la collecte d’évidence additionnelle et de données provenant d'études complémentaires. Les chiffres de l’INAMI montrent, qu’en 2021, les dépenses des médicaments sous contrat représentaient déjà 34,8 % des coûts des médicaments relevant de l'assurance maladie obligatoire, une proportion qui continue de croître d'année en année. Cette évolution souligne l'importance croissante des mécanismes contractuels dans la gestion des dépenses liées aux médicaments, tout en cherchant à garantir un accès optimal aux traitements nécessaires pour les patients concernés.